“Travailler plus pour gagner plus” est un refrain qu’on entend régulièrement au Canada dans la bouche de responsables politiques conservateurs et populistes, qu’ils soient fédéraux ou provinciaux, notamment au sein du Parti conservateur du Canada et du Parti populaire du Canada. Il s’appuie sur cette belle utopie chère à la droite canadienne selon laquelle la libéralisation du marché du travail apporterait la flexibilité nécessaire afin que l’employeur se sente peinard et que la personne salariée ait la liberté de travailler autant qu’il faut pour subvenir à ses besoins. Ce qui a l’air, au premier abord, d’un principe égalitariste est en réalité une vague chimère.
Car la question n’est pas vraiment de savoir si les gens veulent “travailler plus pour gagner plus” mais bel et bien s’ils en ont le choix. Je n’ai certes qu’une expérience limitée du monde du travail mais j’en connais une loi immuable : c’est l’employeur qui décide du nombre d’heures de travail. C’est donc au Code canadien du travail et aux normes provinciales de fixer les limites, car il est évident qu’en laissant les clés des horaires à la seule discrétion d’organisations patronales comme le Conseil du patronat du Québec (CPQ) ou la Chambre de commerce du Canada, la situation sociale serait catastrophique. Non pas que les employeurs soient tous des salauds, mais l’histoire l’a maintes fois prouvée : ce n’est qu’en forçant par la loi qu’on fait avancer la situation des plus faibles.
“Travailler plus pour gagner plus” relève également d’un assez formidable tour de passe-passe qui vise à dire confusément aux jeunes qu’ils devront travailler plus que leurs aînés et donc qu’ils doivent s’attendre à vivre moins bien qu’eux. Nous ne serons pas propriétaires à 30 ans comme eux, surtout avec le marché immobilier actuel au pays. C’est bien cela qui se cache derrière la fameuse “réhabilitation de la valeur travail” défendue à la fois, comme c’est étrange, par des responsables de partis rivaux, des conservateurs aux libéraux, tant à Ottawa qu’à Québec.
À l’heure où l’on est censé profiter de la vie et vivre une jeunesse, nous nous faisons rabâcher sans arrêt ce “travail” dont on devrait toujours faire plus et tout ça pour profiter de moins. Quel bel héritage !